Pour pas changer (Libre)

Assise sur les genoux de l'homme, la jeune femme partit d'un grand éclat de rire, penchant la tête en arrière. Elle savait parfaitement que ce geste exposerait un peu plus sa gorge et son décolleté au regard lubrique du client. L'effet se fit immédiatement sentir, la chope se vida après un rire gras. Lorsqu'elle avisa de cela, elle se releva d'un mouvement langoureux, allant lui chercher une nouvelle consommation. Non, vraiment, ce gros marchand libidineux était tout sauf drôle et intéressant... Elynthe profita de sa "course" pour prendre quelques minutes de pause, accoudée au comptoir. Sachant pertinemment que le client était plus occupé à observer la partie basse de sa personne plutôt que ses mains, elle en profita pour faire passer discrètement deux objets au barman. Cela faisait maintenant des années que le rituel était le même. Dès qu'elle avait fait main basse sur ce qu'elle désirait, elle les confiait au barman qui les planquait pour elle. C'était un accord tacite, chacun y gagnait puisqu'elle leur rapportait souvent des clients et ils la payaient un petit peu moins cher.
Lorsque le marchand était entré elle avait immédiatement repéré deux objets: une de ses bagues et un de ses colliers. Deux pièces avec des rubis... Il ne devait pas être un habitué de la cité pour ainsi se promener avec tous ses bijoux sur lui. En tous cas elle ne regrettait pas de lui avoir mit la grappe dessus, il avait la main leste pour les pourboires et les tournées, consommait jusqu'à plus soif et, surtout, ne se rendait compte de rien. En somme, un pigeon comme il était toujours bon d'en croiser. De quoi vous faire gagner votre jour de travail...

-Je crois qu'on te demande...
-Hmm... Oui. Mais je crois qu'il sera bientôt sec.

Elle accompagna sa phrase d'un clin d'oeil et d'un sourire amusé. Quoi qu'il arrive elle avait toujours l'air d'une fraîche jeune fille en train de faire la fête. Mais le barman savait qu'elle commençait à se lasser plus qu'autre chose, elle ne tarderait pas à changer de proie ou à disparaître pour une petite heure...
Une chope bien pleine en main, elle retourna à la table où le marchand se fit un plaisir de payer à nouveau. Cette fois-ci Elynthe ne fit que s'asseoir sur le bord de la table, faignant un intérêt passionnel pour le récit haché de sa vie. En fait, son regard parcourait l'ensemble de la salle... La fête y battait son plein, les gens buvaient, chantaient ou dansaient parfois. C'était une joyeuse cacophonie aux relans alcoolisés. Encore une bonne recette pour le patron...

(HJ: Je me base sur ta description pour un chtit quelque chose, maintenant si tu ne la portes pas aujourd'hui, préviens-moi ^^)

L'entrée de Thomas ne passa pas inaperçue aux yeux d'Elynthe. Cela venait en partie de son style vestimentaire original, de son joli minois et de l'éclat qu'elle discerna à l'un de ses doigts lorsqu'il s'installa au comptoir. Il ne fallut quelques secondes à la jeune fille pour identifier ce qui avait provoqué ce phénomène: une bague... Et pas n'importe laquelle...
Elle envoya un dernier baiser accompagné d'un clin d'oeil à son marchand qui dodelinait déjà de la tête avant de se diriger vers le jeune Duc. Si elle ne s'était pas trompée, il l'avait saluée, cela faciliterait les choses.

-"Bonjour Messire..."

Pour une fois elle avait opté pour un ton feutré qui restait accueillant sans forcément être immédiatement aguicheur. Elynthe avait parfaitement remarqué son petit regard envers la fête, le regard des personnes fatiguées qui hésitent entre se changer complètement les idées par tous les moyens et se cacher au plus profond de leur demeure. Même s'il semblait avoir opté pour un verre, il n'avait pas encore l'air trop prêt à se déhancher...
La jeune fille s'adossa au comptoir, jouant distraitement avec quelques plumes de son corsage sanguin.

-"J'espère qu'on s'occupe correctement de vous?"

Elle lui fit un clin d'oeil complice alors qu'elle se retournait, se rapprochant un peu de lui comme si elle allait lui faire une confidence.

-"Sinon dîtes le moi, je le houspillerai pour vous!"

Le barman, servant pintes sur pintes, sembla capter ce qu'elle était en train de dire à Thomas puisqu'il émit un grognement entre le rire et l'agacement. Ce ne devait pas être la première fois qu'elle proposer de houspiller un homme qui devait facilement la faire deux fois...
Alors qu'elle rigolait doucement en voyant passer le barman, elle reposa son regard vers la bague. Superbe au possible... Avant de s'empresser de montrer une certaine curiosité envers les vêtements que le Duc portait.

Elynthe sourit d'autant plus qu'elle vit qu'elle était bien accueillie par le jeune Duc. Aussi se permit-elle de s'installer un peu plus confortablement sur le bord du comptoir. Un peu de bière avait été renversée dessus et la jeune fille entreprit de dessiner des arabesques à l'aide de l'un de ses doigts fins. Elle avait déjà vu toutes les réactions possibles à son approche, celle de Thomas n'était pas la plus fréquente mais elle reconnaissait d'emblée ce que cela signifiait...

-"Pourquoi? Vous n'avez pourtant pas l'air d'un de ces rustres mal-poli et sans discussion pourtant..."

La jeune fille se retourna complètement vers lui, abandonnant son dessin, surréaliste et dont aucune forme n'était identifiable, afin de pouvoir mieux l'observer. Il avait de l'argent, la bague qu'il portait au doigt n'était qu'un des multiples indices de son aisance pécuniaire, mais ses vêtements n'étaient pas très "conventionnels". Il ne devait pas toujours être très apprécié dans sa sphère sociale. Peut-être trop rêveur ou trop excentrique?
Le compliment la fit sourire. Ca, la clientèle... Elle était surtout très éclectique si elle en jugeait pas la femme qui venait de faire une entrée fracassante dans l'auberge, mais surtout dans le désir des hommes un peu trop proches d'elle. Tout était dans sa discrétion et son port altier...

-"Seule la clientèle est gentille?"

Elle eut une petite moue faussement boudeuse, adoucie d'un sourire malicieux, alors que la nouvelle venue la faisait se tourner à nouveau, s'adossant au comptoir. Elle gardait un oeil sur elle tout en continuant la discussion avec le Duc... La mystérieuse femme ne tarderait pas à demander à être servie, et vu comme elle avait congédié son ancien compagnon de tablée, elle ne devait pas être du genre à apprécier une trop longue attente. Si aucune de ses collègues ne se dirigeait vers elle, Elynthe aurait à faire le premier pas...

La jeune femme dont le regard parcourait toujours la salle ne s'attendait pas à pareille tirade de la part de Thomas. Même si elle savait qu'il arrivait parfois qu'elle provoque une forme de confession chez ses "clients", il fallait souvent qu'ils boivent un peu plus et qu'elle se montre un peu plus... Cruche aurait été le terme. Les gens aisés n'aimaient pas se confier à plus bas qu'eux s'ils n'avaient pas la vague impression que ce qu'ils avoueraient finirait brouillé par le peu de neurones de leur interlocuteur. Enfin, le jeune Duc semblait avoir besoin de se confier plus que d'habitude. Le pauvre devait être un brin las ce soir. Cela ne l'empêcha pas de l'écouter et de comprendre ce qu'il ressentait. Après tout il semblait difficilement supporté les préjugés et les jeux de la société alors qu'elle-même avait tendance à se servir des images engendrées ainsi pour gagner sa vie.

-C'est tout à votre honneur, cela se fait rare par les temps qui courent...

Oui, quelqu'un qui osait être lui-même sans peur du regard des autres, surtout s'il était haut placé sur l'échelle sociale, était une denrée rare. C'est pour cela qu'elle agrémenta sa phrase d'un sourire sincère... Peut-être que le jeune homme garderait sa bague finalement.
Elle allait répondre à la dernière partie de son discours lorsqu'elle décela le signe d'impatience de la jeune Dame. Prête à avouer sa condition et à servir en même temps, elle fut devancée par Brunel qui se leva pour se diriger à leurs côtés. Comment ne pas admirer ce maintien et cette parfaite maîtrise de soi?

*Ca serait bien un jour aussi de s'amuser ainsi...*

Prenant la parole, Dame Irving fit deux choses. D'une elle donna le nom de Duc qu'Elynthe s'empressa d'enregistrer, des fois que cela puisse lui servir par la suite. De deux, elle vendit la mèche d'une façon remarquablement bien tournée. La jeune fille n'en prit pas ombrage, c'était les règles du jeu et c'était ainsi qu'elle s'amusait, grâce aux petits imprévus des soirées. Son sourire se fit donc amusé alors qu'elle répondait au Duc.

-Je pense que cette noble Dame a répondu à vôtre question Messire.

Et elle dut se tourner vers Brunel, se redressant afin d'un peu mieux paraître. D'un simple mouvement du regard elle appela le barman qui se dirigea d'un pas leste jusqu'aux devants de la Dame, prêt à remplir un verre propre avec la boisson de son choix, qu'elle fasse fondre les dents du buveur ou non. Puis elle s'inclina avec la grâce et l'élégance que des années de pratiques auprès de riches seigneurs venus noyer leurs soucis lui avaient enseignées.

-Je suis navrée que mes collègues ne se soient pas occupées de vous plus tôt. Je m'en excuse pour elles. Que puis-je pour votre service ma Dame?

Elynthe s'adaptait. Si elle avait senti Thomas comme ayant envie d'un peu plus de proximité et de sympathie, elle sentait la Dame un peu plus attachée à son statut et à l'étiquette.